Fin 2016, le Musée Unterlinden de Colmar a rendu hommage au célèbre peintre allemand Otto Dix (1891-1969), en accueillant plus de cent œuvres issues des plus grandes collections publiques et privées. Cette exposition exceptionnelle a magistralement démontré comment Otto Dix s'était inspiré du chef d’œuvre conservé au musée, le Retable d’Issenheim (1512-1516).
Le musée Unterlinden a souhaité analyser la place qu’occupait dans l’œuvre d’Otto Dix le chef-d’œuvre de Grünewald, le retable d’Issenheim (1512-1516) et l’influence sur sa carrière. Cette exposition a retracé en 5 étapes les rencontres majeures entre Otto Dix et le Retable d'Issenheim.
1. La redécouverte du retable d’Issenheim en 1918.
En 1853, la Société Schongauer crée dans l’ancien couvent des Dominicaines de Colmar son musée Unterlinden autour du chef-d’œuvre de Grünewald, le retable d’Issenheim, saisi pendant la Révolution dans la commanderie des Antonins d’Issenheim. Dès lors, le public, parmi lequel de nombreux artistes (Goutzwiller, Corinth, Böcklin), critiques d’art (Teodor de Wyzewa), écrivains (Huysmans, Verhaeren) et historiens (Friedländer), est en mesure de découvrir cette œuvre maîtresse de l’histoire de l’art médiéval. Dans le contexte de la montée du nationalisme et de l’annexion de l’Alsace à l’Empire allemand, Grünewald devient une source d’inspiration majeure pour les artistes germaniques du tournant du XXe siècle tels que Beckmann, Ernst, Heckel, Nolde, Wollheim ou Otto Dix. Dès ses débuts expressionnistes, avant la Première Guerre mondiale, Otto Dix s’inspire des motifs du retable d’Issenheim pour exécuter ses œuvres les plus dramatiques.
2. Dénonciation de la guerre et de ses conséquences entre 1918 et 1933.
À l’issue du conflit, le retable d’Issenheim continue d’inspirer les artistes allemands. Otto Dix s’en empare, d’un point de vue tant formel que technique, pour exprimer l’horreur de la guerre (gravures de La Guerre, 1924 ; triptyque de La Guerre, 1929-1932) et de ses conséquences (triptyque de La Grande Ville, 1927-1928). Peintre de la Nouvelle Objectivité, il dresse le portrait de la société décadente des années 1920. Sa représentation sans ménagement d’une humanité humiliée, de la misère, des soldats mutilés et des chairs déchiquetées lui vaut de violentes critiques de la part de ses contemporains.
3. L’émigration intérieure sur les bords du lac de Constance à partir de 1933.
Avec la montée du nazisme, Otto Dix doit démissionner de ses fonctions de professeur à l’école des Beaux-Arts de Dresde. Les thèmes empruntés au retable d’Issenheim, tels que l’agression de saint Antoine (déclinée en plusieurs versions entre les années 1930 et 1940), vont lui permettre de dénoncer l’idéologie nazie, les menaces qui pèsent sur la liberté artistique et son exclusion en tant qu’artiste dégénéré. Sans quitter l’Allemagne, il s’exile avec sa famille sur les bords du lac de Constance, où il se consacre essentiellement aux paysages et aux sujets bibliques, dans lesquels l’influence du retable de Grünewald reste présente.
4. Otto Dix à Colmar entre 1945 et 1946.
Enrôlé dans le Volkssturm, une milice populaire censée épauler la Wehrmacht dans la défense du territoire du Reich. Otto Dix est contraint de participer à l’âge de cinquante-quatre ans aux derniers combats de la Seconde Guerre mondiale sur le front occidental. Arrêté en Forêt Noire, il est incarcéré dans le camp de prisonniers allié du quartier du Logelbach à Colmar. Reconnu par le lieutenant français du camp, il bénéficie d’un traitement privilégié et est intégré à un groupe d’artistes prisonniers et autorisé à travailler dans l’atelier du peintre colmarien Robert Gall. En juillet 1945, à la suite de la réinstallation du retable d’Issenheim au musée Unterlinden, Otto Dix a l’occasion de se confronter à plusieurs reprises aux célèbres panneaux de Grünewald et d’y puiser une nouvelle fois son inspiration, notamment avec la réalisation d’un nouveau triptyque pour la chapelle catholique du camp de prisonniers (La Madone aux barbelés, 1945).
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