L'Alsace et Noël, c'est une histoire ancienne, une histoire d'amour véritable.
L'Alsace cultive plus qu'ailleurs la sensibilité de ce temps de resserrement des liens sociaux. Venez suivez-moi, je vous ferais écouter les battements du coeur de Noël, découvrir les colombages en fête et admirer les lumières innombrables de cette si belle fête des "nuits sacrées".
Étymologiquement, Noël vient du latin « natalis » qui signifie « jour de naissance ». En Alsace, Noël se dit « Wihnàchta » c’est-à-dire « nuits sacrées » désignant ainsi le cycle de 12 jours et nuits compris entre le 25 décembre et le 6 janvier. Ces nuits sacrées marquent le passage de la vieille année vers la nouvelle et la naissance d’un nouveau temps. Quelles sont les origines de ce rite ? Retournons aux sources
Pourquoi fêtons-nous Noël en décembre ? Et que fêtons-nous exactement ?
C'est à travers un voyage dans le temps et dans le monde que l'on découvre un rituel complexe qui s'étale sur deux mille ans d'histoire et dont la progression géographique va des rives de la Méditerranée, du sud au nord de l'Europe jusqu'au continent américain.
Le solstice d’hiver et le culte du soleil
Dans les grandes cultures agraires (Mésopotamie, Egypte…), le soleil tenait une place fondamentale, car c'était de lui que dépendaient la nourriture, la chaleur et le bien-être. Dès que l'homme a commencé à cultiver la terre, il suivit attentivement la trajectoire du soleil tout au long de l'année, et fit de l’astre un dieu fondamental. Rapidement l’homme fit le lien entre la vie du soleil et le cours des saisons, déterminant aussi les moments des grands rituels de passage. Ainsi, depuis la nuit des temps, les rites de remerciements et de sacrifices furent célébrés dès que le soleil atteignait les points significatifs de son orbite, c'est à dire aux solstices d'été et d'hiver. Le solstice d'hiver, période de l'année où les journées commencent à être plus longues, devint rapidement la fête la plus importante, car il symbolisait la renaissance tant attendue de la nature et l'espérance de vie nouvelle. Au cours de ces cérémonies, le feu et la lumière jouaient un rôle symbolique de première importance.
La célébration des Saturnales dans la Rome antique
L’une des fêtes majeures de la Rome antique était la célébration des Saturnales. Les romains invoquaient Saturne, dieu des semailles et de l'agriculture, (du verbe latin Severe, semer). Sa fête donnait lieu à des réjouissances du 17 décembre aux Calendes de janvier (premier jour de l'An romain). Des rituels et des sacrifices avaient lieu pour remercier le soleil, dont dépendaient les cultures. Peu à peu, la célébration des Saturnales furent l'occasion de réjouissances effrénées. Ainsi le poète romain Lucien, (IIe siècle ap. J.C.), décrivit les Saturnales comme "une occasion pour boire plus que d'ordinaire, faire du vacarme, jouer et danser, nommer des rois, donner des repas aux esclaves, faire de nombreux cadeaux et de décorer les maisons avec du lierre, des branches de houx et de gui".
Le Culte de Mithra, "Sol Invinctus" fixée le 25 décembre
Rapidement, dans la Rome Antique, les Saturnales se confondirent et se complétèrent avec un autre culte, celui de Mithra. Dans l'ancienne religion iranienne, Mithra était le dieu de la lumière, le symbole de la chasteté et de la pureté qui combattait les forces maléfiques. Au IIe et IIIe siècles av. J. C., le culte de Mithra se répand dans tout l'Empire romain. L'une des fêtes principales du mithraïsme, le "Natalis Invicti" (Nativité du Soleil Invincible) ou "Sol Invinctus" (Dieu-soleil Invaincu), célébrait Mithra, dieu de la lumière symbolisant la pureté, la chasteté et combattant contre les forces obscures. Elle avait lieu au solstice d'hiver du 25 décembre. Les soldats romains, dont bon nombre vénéraient Mithra, furent les ambassadeurs de cette religion qu'ils répandirent jusque dans les provinces les plus éloignées de l'Empire. L’empereur Aurélien (270-275) en fit même la religion d'Etat en 274 et fixa sa fête au 25 décembre. Constantin Ier (272-337), le premier empereur romain converti au christianisme, fut au début de son règne adepte du Soleil invaincu, comme en témoignent ses émissions monétaires.
La stratégie de l'Eglise pour christianniser la célébration de la naissance du Christ.
Lorsque le christianisme commença à conquérir le monde romain, il allait se trouver inévitablement confronté aux festivités et aux réjouissances des Saturnales et du culte de Mithra. Initialement, la célébration de Noël se résumait à la messe de la Nativité car, comme le disait un théologien "nous célébrons ce jour, non pour honorer le soleil comme les païens mais pour honorer le créateur du soleil". En 354, le pape Liberus prit une mesure très astucieuse et avança la fête de la naissance du Christ du 6 janvier au 25 décembre. De nombreux éléments de la fête païenne furent alors adaptées au nouveau cadre chrétien. Il ne fut pas difficile, par exemple, de créer un lien entre le houx avec ses feuilles piquantes et ses boules rouges, à la couronne d'épines et aux gouttes de sang du Christ.
La fête de Noël se développe au Moyen Age
Peu à peu, à partir du Ve siècle les rites chrétiens et les fêtes païennes se mélangent. On s'offre des cadeaux, on décore les maisons avec des "plantes sacrées" : houx, gui ou lierre. Le christianisme procédera de la même manière lors de l'évangélisation des peuples nordiques. Ainsi la fête de Jul chez les germains ou la cébration de Njord (dieu de la fécondité) et d'Idun (gardienne des pommes de providence, nourriture des dieux) furent progressivement assimilées avec des traditions chrétiennes.
Avec la propagation du christianisme, la fête de Noël commença à jouer un rôle de plus en plus important dans la vie des peuples européens. On se réunissait alors pour de grandes festivités comprenant d'énormes festins, des beuveries, des danses et des jeux. Les pièces de théâtres et les représentations scéniques étaient très appréciées, elles étaient en général animées et équivoques. Au lieu d'interdire formellement ces pratiques, l'Eglise tenta de leur opposer des pièces et tableaux vivants qui avaient pour thème principal la naissance du Christ.
A partir du XVIe siècle, Noël devient une fête de famille
Cette prodigalité et cette débauche de danses, festins et représentations déplurent fortement au puritanisme que la Réforme protestante avait mis en branle. Certains continuèrent à fêter, mais plus calmement. Noël devint ainsi peu à peu une fête de famille, comprenant échanges de cadeaux et décorations des maisons. A partir du XVe siècle, les sapins sont également placés dans les poêles des corporations. On commence à les décorer avec des roses en papier ou des fines feuilles de métal travaillées. Cet usage se répand très vite dans de nombreux foyers et il devient rapidement nécessaire de protéger la ressource. Une mention dans un livre de compte de la Ville de Sélestat en date du 21 décembre 1521 indique qu’il fallait payer 4 schillings aux gardes forestiers pour la surveillance de la coupe des sapins. Au XVIIIe siècle, apparaissent sur les sapins de Noël des noix dorées ou des petits pains d’épices. Le sapin n’était pas, comme aujourd’hui, posé au sol, il était suspendu par sa branche sommitale dans la pièce à vivre de la maison, pour protéger ses décorations de l’appétit des rongeurs. La plus ancienne représentation que l’on connaisse d’un tel sapin suspendu est une gravure du Strasbourgeois Benjamin Zix (1772-1811), Er schloft, datée de 1806 et conservée au Cabinet des estampes et des dessins de Strasbourg.
Le Noël "moderne" est inventé !
Je vous raconte la suite de la fabuleuse aventure de Noël lors d'une visite guidée et je vous invite en attendant à lire le célèbre article que Claude Lévi-Strauss a consacré en 1952 dans "La Revue des Temps Modernes" au "Père Noël supplicié" .
Informations sur l'auteur
fondatrice de Chemins Bio en Alsace , guide conférencière diplômée en Histoire, fille de vignerons alsaciens, passionnée par sa région, vous propose ses services de guidage et d'accompagnement dans la bonne humeur et le respect de l'environnement pour tout public, du junior au senior.