Hornung : un mois refondateur entre l'engourdissement de l'hiver et le réveil de la nature.
En alsacien, Février se dit Hornūng qui vient du vieux-francique hōrning qui se rapproche de Horn soit les cornes et nous rappelle le mois de Cernunnos - le dieu Cerf des celtes.
Eginard, le secrétaire de Charlemagne nous raconte que c'est l'Empereur lui même qui renomma les mois du calendrier Julien en vieux bas Francique, la langue des Francs. Ces noms furent utilisés jusqu'au XVe siècle en Allemagne, en Alsace et aux Pays-Bas.
- Wintarmanoth (mois de l'hiver) - Janvier
- Hornung (pousse des cornes) - Février
- Lentzinmanoth (mois du printemps) - Mars
- Ostarmanoth (mois de Pâques) - Avril
- Wonnemanoth (mois des merveilles) - Mai
- Brachmanoth (mois des jachères) - Juin
- Heuvimanoth (mois des foins) - Juillet
- Aranmanoth (mois des épis / des moissons) - Aout
- Witumanoth (mois du bois)- Septembre
- Windumemanoth (mois des vendanges) - Octobre
- Herbistmanoth (mois de l'automne) - Novembre
- Heilagmanoth (mois saint) - Décembre
Les recherches de l'historienne Anne Lombard-Jourdan démontrent que Carnaval proviendrait de la même origine et aurait comme étymologie "le mois où les cerfs perdent leurs cornes". Très intéressante hypothèse qui renouvelle le sens donné par l’étymologie latine jusqu’à présent utilisée. Carnaval est la fête païenne la plus célébrée dans le monde chrétien. Elle force l’église à tolérer le port des masques, les festins, les beuveries, les danses et les rires bannis du carême.
Le symbolisme du cerf était primitivement en étroite relation avec son mode de vie, cycle mythologique et cycle biologique se rejoignaient. En février, le cerf perd ses bois. L'expression alsacienne "Griener Hornung bringt wissi oschtere" qui signifie "Février vert, Pâques blanches" est encore utilisée. Lors de l'équinoxe de printemps, les bois de cerf se renouvellent, mais Cernunnos n'apparaît qu'à partir du mois d'août, lorsqu'il acquiert ses bois majestueux. Redevenu "noble", il devient un "Edelhirsch" un "Hochwild" et entre en rut puis s'accouple. Parvenu au sommet de sa puissance, il rejoint, lors de sa mise à mort symbolique pendant la chasse en automne, le monde de l'Au-delà.
Les vignerons alsaciens faisaient partir le cycle de la vigne, ce jour-là, en démarrant la taille de la vigne. Ils obligeaient ainsi la sève à remonter et à se revivifier pour mieux faire fructifier la vigne. Les opérations de taille dont l'homme s'érigeait alors en unique détenteur étaient clairement assimilées à la puissance fécondante.
Le folklore alsacien a gardé vivantes plusieurs coutumes qui se rattachent directement au cycle mythologique du cerf. L'apparition du "cerf violoneux" , le "Hirzgiger" à Oberhergheim ou bien l'existence dans de nombreux villages de Haute-Alsace d'hommes de paille encore récemment nommés en alsacien "d'Hirsch" coïncide, après Carnaval et avant Pâques, à la résurgence de la vie végétale. De même, les rituels d'inversion, les plaisanteries et licences verbales, la consommation d'alcool et le port du chapeau par les femmes lors du "lundi du cerf" renvoient clairement au symbolisme lié à la fécondité.
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Sources :
HELL Bertrand, "Éléments du bestiaire populaire alsacien", Revue des sciences sociales de la France de l'Est, N°12, 1983
PASTOUREAU Michel, Bestiaires du Moyen Âge, Collection Points Histoire, 2020
LOMBARD-JOURDAN Anne, Aux origines de carnaval, Préface de Jacques Le Goff, éditions Odile Jacob, 2005
LOMBARD-JOURDAN Anne et CHERNIGUET Alexis, Cernunnos dieu cerf des Gaulois, Larousse, 2009
Informations sur l'auteur
fondatrice de Chemins Bio en Alsace , guide conférencière diplômée en Histoire, fille de vignerons alsaciens, passionnée par sa région, vous propose ses services de guidage et d'accompagnement dans la bonne humeur et le respect de l'environnement pour tout public, du junior au senior.
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