Je vous propose toute l'année en lien avec des Domaines viticoles de vous initier à la compréhension des vins de lieux ainsi qu'aux relations qui unissent les vins et les terroirs qui les ont vu naître. Des promenades géosensorielles qui s'intéressent aux "sens" d'un terroir, à son sol et sous-sol, à son micro-climat, à son histoire ainsi qu'aux femmes et hommes qui le travaillent.
Pays silencieux dont les prophètes se taisent,
Pays qui prépare son vin ;
où les collines sentent encore la Genèse
et ne craignent pas la fin !
Rainer Maria Rilke
Mon village, Hunawihr s’étend à flanc de coteau, à l’orée de la forêt. Comme l'écrit Alain Ercker, "Le village fait sienne les collines, il en adopte les tours et contours. Pendant que l’église, à l’écart veille, le village s’exprime à partir des deux rues qui cernent le cœur du village et matérialisent les cours d’eaux désormais enterrés. A l’exclusion des nouveaux quartiers, qui portent témoignage de sa vitalité, Hunawihr présente une forme compacte, homogène et solidaire. Seule la vigne semble autorisée à perturber cet ensemble, à transgresser les limites. Elle croise le bâti, s’y mêle, s’y confond. Une lutte ferme, parait opposer la vigne à l’architecture, une bataille se faisant pied à pied, cep contre pierre. A Hunawihr, la vigne ne constitue pas le paysage, elle est le paysage."
Hunawihr : une histoire de terroirs
"Près des montaignes d’Alsace, il n’y a pas un seul lieu inutile ne vuyde qui ne soit habité ou labouré " affirme en 1544, dans sa Cosmographie Universelle le géographe Sébastian Munster (1488-1552). Autrement dit l’ensemble de l’espace alsacien est anthropisé et le vignoble de l’Alsace centrale fait alors figure de petit paradis. Cependant, les paysages évoluent sans cesse. Depuis la révolution néolithique qui inventa les activités sédentaires, les terroirs de Hunawihr se sont renouvelés plusieurs fois par siècle et sont le fruit d’une histoire longue et complexe. La topographie des lieux a été façonnée par des générations, les noms et les toponymes témoignent de cette histoire. Ils sont uniques.
Les terroirs de Hunawihr sont inséparables de l’histoire du village et de sa célèbre église fortifiée devenue l’un des symboles du vignoble alsacien. C'est par une donation de vignes du seigneur Huno au couvent de Saint-Dié que le nom de Hunawihr apparaît dans l'histoire au VIIe siècle. Situé entre Ribeauvillé et Riquewihr, le petit village participe au cours du temps à la prospérité de la viticulture alsacienne. Tout au long du Moyen Âge, le vignoble de Hunawihr alimente les caves des Chanoines de Saint-Dié et des Dominicains de Bâle et de Fribourg-en-Brisgau ainsi que celles des seigneurs de Ribeaupierre, de Horbourg et de leurs successeurs, les Comtes et Ducs de Wurtemberg.
Au XIVe siècle, rapporte la chronique locale, Hunawihr payait ses redevances uniquement en vin blanc. À cette époque, les Ducs de Wurtemberg administrent la seigneurie de Riquewihr-Horbourg dont fait partie Hunawihr et veillent sur la qualité des bons crus. Les terroirs de Hunawihr, dans la ligne de mire des trois châteaux des sires de Ribeaupierre qui dominent les hauteurs de Ribeauvillé, accroissent la convoitise des nobles et des bourgeois pour le vignoble de la commune.
Le Grand Cru Rosacker à Hunawihr
Les vins du Rosacker sont mentionnés dès 1483, à cette époque, les Ducs de Wurtemberg administrent la seigneurie de Riquewihr-Horbourg dont fait partie Hunawihr.
Le coteau du Rosacker bénéficie d'une exceptionnelle orientation Sud-Est, est situé entre 260 et 330 mètres d’altitude. La pente est douce et modérée en partie basse et médiane du coteau. Elle se renforce légèrement dans sa partie haute en particulier à l'entrée du petit vallon du Heitzloch, situé en haut du village.
Le Rosacker : Le palais large et puissant du calcaire.
Les sols du Rosacker sont dominés par des éléments calcaires même s’ils contiennent un peu de marnes. Formés durant la période géologique du Trias germanique, les sols du Rosacker reposent sur une roche mère de Muschelkalk et de Lettenkohle. Il s'agit d'un calcaire sédimentaire de type coquillier datant de 235 à 245 millions d'années, plus ou moins dolomitisé. La profondeur du sol est de 1.50 mètres en moyenne. La texture est lourde mais cependant aérée par des éboulis siliceux de grès vosgien. Les réserves hydriques y sont bonnes. La limite haute du Rosacker est définie par le changement de structure du sol. Lorsqu’on monte vers la forêt on arrive à une limite où on trouve de plus en plus d’éboulis siliceux (grès et quartz).
La vraie singularité du Rosacker est d’être adossé au Massif Vosgien.
C'est la proximité avec le Massif Vosgien qui confère au Rosacker, par un effet d'ombre portée, un climat plus frais – mais aussi plus sec – que celui des terroirs voisins. Pour ces raisons, le terroir du Rosacker est considéré comme tardif et sec. Protégé par un vallon fermé, le Rosacker est par ailleurs peu soumis aux vents des vallées vosgiennes. Les conséquences de la double influence d'un substrat calcaire qui favorise des maturations lentes et d'une situation géographique particulière marquée par une ombre portée de la montagne renforcée par l’altitude des parcelles apportent beaucoup de fraîcheur et un décalage important au niveau de la maturation des raisins. En général, les parcelles du haut du Rosacker sont mûres 10 jours après celles du bas. Par le passé, les parcelles du bas étaient les plus recherchés mais à l’heure actuelle les vignerons sont contents d’avoir également des vignes dans les secteurs hauts.
Equilibre et longévité caractérisent les vins du Rosacker
Le Rosacker a fait partie de la première série de "Grands Crus" alsaciens officiellement institués par un décret du 23 novembre 1983. Conscients du privilège de travailler un terroir exceptionnel, les vignerons qui ont la chance de posséder une parcelle dans les 26,18 hectares du Grand Cru Rosacker se sont largement engagés dans la voie de la qualité.
Le caractère tardif et sec du terroir ainsi que l'ombre portée par le massif vosgien permet une maturation lente et saine des raisins. Ceci confère aux vins une grande pureté aromatique ainsi qu'une grande complexité. Le sol profond procure une alimentation hydrique et minérale régulière, gage d'une maturation homogène. Ainsi, les troubles physiologiques de la vigne dûs à des coups de chaud ou à des stress hydriques sont rarissimes. Les vins du Rosacker ne sont jamais tanniques ou asséchants. Le sol, de nature calci-magnésienne, est par nature faiblement pourvu en potasse. Il en résulte une moindre salification de l'acide tartrique, conférant au vin une puissante structure acide.
Les vins du Rosacker se distinguent par leur forte acidité mûre, leur pureté et complexité qui se prolongent en bouche avec finesse et durée. La résistance du terroir à la sécheresse estivale et son caractère tardif profitent particulièrement au Riesling, qui acquiert ici de la puissance tout en conservant sa pureté. Jeunes, les Riesling Grand Cru Rosacker offrent des arômes pointus, d’un poivré caractéristique, qui s’arrondissent en vieillissant, dévoilant des saveurs salines et minérales, propres aux terrains marno-calcaires. Les Gewurztraminer Grand Cru Rosacker développent des arômes de rose, parfois de violette à nuances poivrées d’une grande finesse et les Pinot Gris Grand Cru Rosacker nous offrent une ampleur sapide associée à une belle fraîcheur.
Rencontre avec des vignerons du Rosacker : Le lieu n’est qu’une espérance sans l’homme qui le sert.
Le témoignage de Jacques Sipp, du Domaine Sipp-Mack : "Un Rosacker doit exprimer l’élan de la vigne dans le verre. Le signal du Rosacker doit être toujours dense et toujours sec. Si la maturité physiologique est respectée, les levures présentes contribuent naturellement à l’équilibre recherché. Respecter le signal donné par le Rosacker, oblige à rester sur le fil de 13 degrés. Les 15 vins dégustés en Mars 2020 lors de la dégustation du syndicat viticole ont tous la même trame : ciselée, nette et longue ainsi qu’une présence saline très tactile".
Les Rosacker ont leur place sur les meilleures tables du monde et leur notoriété est grandissante grâce aux talents des vignerons et vigneronnes de Hunawihr et environs. Voici 4 domaines qui oeuvrent à l'excellence de ce terroir et dont j'apprécie particulièrement les vins : liste non exhaustive uniquement gustative !
- Le Domaine Sipp-Mack à Hunawihr (Bio)
- Le Domaine Terres d’Etoiles, Christophe Mittnacht à Hunawihr (Bio et Biodynamie)
- Le Domaine Agapé, Vincent Sipp à Riquewihr (conversion Bio)
- Le Domaine Mader à Hunawihr (Bio)
La dégustation géo-sensorielle nous permet de mieux percevoir l'expression du terroir, voici le résultats de deux dégustations géo-sensorielles menée par un petit groupe de dégustateurs formés à la dégustation géo-sensorielle sur le Rosacker.
Grand Cru Rosacker Riesling 2007 – Domaine Mittnacht Frères
Intuitif : sérenité, apaisement, largeur, fraicheur, vagues, souvenirs marins
Énergie : Forte, fraîcheur, Claire, bienveillance, persistance
Salivation : arrière langue, forte, enveloppante, permanente
Géométrie : rondeur, ondes, vagues
Consistance : Charnue, épaisse, flexible
Texture : ondulée, velours côtelé
Remarques générales : Jolis amers, forte salinité
Géologie ressentie : Sol calcaire, froid et profond, argiles
Grand Cru Rosacker Riesling 2015 – Domaine Terres d'Etoiles, Christophe Mittnacht
Intuitif : largeur, lumière, ondulations, nourricier
Énergie : Forte, lumineuse, bienveillance, persistance
Salivation : arrière langue, épaisse, enveloppante, régulière
Géométrie : rondeur, ondes, vagues
Consistance : Charnue, épaisse, flexible
Texture : ondulée, velours côtelé
Remarques générales : Jolis amers, forte salinité
Géologie ressentie : Sol calcaire, profond, présence d'argiles
Le Clos Sainte-Hune à Hunawihr
Le Clos Sainte-Hune, contrairement à ce que l'étiquette représente ne naît pas sur les pentes de l'église fortifiée mais bien des vignes du Rosacker. En effet, la famille HEYD-TRIMBACH travaille depuis de nombreux siècles une parcelle de 1,67 hectares située dans la partie basse du Rosacker. Même si le nom du terroir qui le voit naître n’apparaît plus sur l’étiquette depuis 1919, remplacé par "Clos Sainte-Hune".
Les Heyd-Trimbach au service du terroir
L’origine viticole de la Maison Trimbach remonte à 1626, date à laquelle Jean Trimbach, venu de Sainte-Marie-aux-Mines est reçu Bourgeois de la ville de Riquewihr. A partir de cette époque, les Trimbach de père en fils se distinguent par leurs qualités de viticulteurs. Jean-Jacques Trimbach, né à Riquewihr en 1633, puis son fils Jean, né en 1677, furent tour à tour Maires de la petite cité. Jean-Jacques Trimbach né en 1750 devient Maître Tonnelier, un métier parfaitement complémentaire à la vocation des viticulteurs de la famille. La lignée se poursuit avec Jean-Louis Trimbach né en 1783. Le fils de ce dernier, Jean Frédéric né en 1811 transfère ses activités à Hunawihr en 1840 et devient un important « Gourmet » des vins de Hunawihr, village réputé pour ses Riesling. Jean Frédéric sera élu Maire de Hunawihr à peine 6 ans après son installation dans le village de 1846 à 1884.
Son fils aîné, Frédéric Emile, né en 1839, prend sa succession et achète en 1865 la propriété GREINER à Guillaume GREINER. Cette magnifique maison renaissance datée de 1610 a été construite par Heinrich Schickhardt l’architecte des Ducs de Wurtemberg et appartenait à la famille GREINER depuis 1731. Elle a été successivement l'Auberge à l’homme sauvage et puis l'Auberge au Cerf.
Frédéric Emile donne réellement un essor à ce qui sera par la suite la Maison Trimbach et apporte de notables modernisations dans le vignoble de Hunawihr comme la plantation des vignes en rangs et le palissage sur fil de fer. Il est également à l’origine des premières mises en bouteilles. Frédéric Emile Trimbach obtient de nombreuses reconnaissances internationales (diplôme d'honneur international à Bruxelles en 1898) en particulier pour les Rieslings Rosacker. Il sera comme son père élu Maire de Hunawihr de 1902 à 1913 et est à l'origine de nombreuses modernisations comme l'aménagement du lavoir couvert afin d'éviter la propagation de maladies liées au manque d'hygiène. Il décède le 24 décembre 1917 à l'âge de 78 ans.
Frédéric Théodore, fils de Frédéric Emile né en 1875, reprend les affaires à la fin de la Première Guerre Mondiale. C'est lui qui est à l’origine des premières étiquettes du Clos Ste Hune à partir de 1919. Après son mariage en 1909 avec Georgette GREINER, veuve en première noces de Henri Gustave HEYDT, architecte entrepreneur fils de Léonard HEYD, entrepreneur et maire d'Ostwald et propriétaire du Schloss Inselburg (actuellement Château de l'Île), Frédéric Théodore transfère la Maison Trimbach sur le site actuel à Ribeauvillé qui appartenait à son nouveau beau-père le propriétaire et marchand de vins Guillaume GREINER (celui-là même à qui son père a acheté la maison de Hunawihr), tout en gardant une cave à Hunawihr jusqu'en 1929. Frédéric Théodore fut l’un des fondateurs du Syndicat des Négociants et Viticulteurs d’Alsace et un authentique promoteur des vins d’Alsace. Il a adopté les deux enfants de son épouse qui vont dorénavant porter le nom de famille HEYDT-TRIMBACH.
Aujourd'hui, le Domaine Trimbach est conduit par les douzièmes et treizièmes générations et le Clos Sainte-Hune constitue toujours le fleuron de leur production. Grands vins de garde, les Riesling Clos Sainte Hune atteignent leur apogée après sept à dix années suivant leur mise en bouteille. La Famille Heyd-Trimbach garde les bouteilles en cave pendant cinq ans minimum avant de les commercialiser. Les 8 000 bouteilles annuelles de ce vin mythique peuvent être considérées comme les témoins de l’excellence du Rosacker.
Le Clos Windsbuhl à Hunawihr
L'histoire du Windsbuhl.
Les premières mentions du Domaine remontent au XIVe siècle, puisque nous savons qu'en 1324, le Domaine alors nommé "Erlach" devient la propriété de la Maison d’Autriche. En 1481, les Rathsamhausen de la branche "Zum Stein" deviennent propriétaires et exploitants d’Erlach et louent le Domaine à la ville de Riquewihr pour deux fois 101 ans entre 1530 et 1732.
Pars vite, va loin et reviens tard.
Entre 1647 et 1678, Joachim Stoll le prédicateur protestant de la cour des Ribeaupierre s'installe à Erlach. En effet, dans les années 1667-1668, une "peste" se répand dans les villes de la vallée du Rhin. A Ribeauvillé, la contagion fait de nombreuses victimes et pour y échapper, la maison seigneuriale de Ribeaupierre se retire à Wihr-au-Val mais Joachim Stoll choisit lui de s’installer au Domaine d’Erlach, où il fait construire "à grands frais" en 1668 une demeure qu’il nomma "Windsbuhl - la colline des Vents".
De 1732 à 1734, Erlach-Windsbuhl fut de nouveau loué à Riquewihr. Puis jusqu'en 1758, le Domaine fut loué par le Maréchal de France Siegfried von Bernholdt et Marie Louise de la Pailleterie auprès de différents bailleurs de Riquewihr et Hunawihr. En 1760, Von Bernholdt construit la grande maison du Windsbuhl et aménage le vignoble sur la colline autour de sa propriété dans sa configuration actuelle. A cette période, par ordonnance royale, et afin d'éviter la surproduction la plantation de la vigne est limitée dans la plaine. L'investissement s'avère trés rentable, les vignes du Windsbuhl, plantées en cépages nobles "Edelgewächse" ont très vite une forte notoriété et étaient alors fortement payés dans le vieux marché aux vins de Strasbourg. L'historien Jean-Jacques Becker signale des archives où les vins de Hunawihr étaient payés trois fois plus que ceux d’autres communes.
Le 6 Juillet 1796, l’intégralité d’Erlach-Windsbuhl devient propriété de Monsieur Nicolas Pasquay. La propriété se composait alors de 1ha de prés, de 4ha de terres labourables, d’une châtaigneraie de 12ha et de 6ha de vignes.
A partir de 1800, le Windsbuhl devient la propriété de la famille Hoffmann qui l’a abord exploité elle-même puis mis en location à partir de 1862 tout d’abord pour 16 ans à un consortium de Riquewihr puis pour 18 ans à un aubergiste de campagne dénommé Weber originaire du Bas-Rhin.
Jean-Jacques Becker rappelle que les vins nobles du Windsbuhl, rouge et Tockayer ainsi que d’autres raisins de qualité étaient avidement recherchés par les connaisseurs en vins. Les courtiers en vins de la région emmenaient leurs clients de tous pays au Windsbuhl pour y acheter du vin en fût. Le vignoble du Windsbuhl connut une période très faste à la fin du 19ème siècle.
En 1895, toute la propriété Erlach-Windsbuhl fut achetée par Monsieur Albert Meyer de Strasbourg qui réaménagea complètement la propriété et l’agrandit en surface boisée. En 1987, le Domaine Zind-Humbrecht se porte acquéreur du vignoble du Clos Windsbuhl, auprès de Mme Bérangère Meyer.
En 2020, le Clos du Windsbuhl compte une superficie de 5.5 ha. Le Pinot-Gris est majoritaire, suivent le Gewurztraminer et le Riesling. Le Domaine Zind-Humbrecht a également implanté des parcelles de Chardonnay et d’Auxerrois, plantées proches de la forêt, qui assemblées, permettent de produire une cuvée de vin de table le « Zind ».
Les vignes du Clos Windsbuhl reposent (essentiellement) sur un substrat de calcaire coquillier du Trias appelé Muschelkalk, riche en argiles et en roches calcaires. Le sol est par endroit très peu profond, et la roche mère affleure souvent au milieu du coteau. Il est difficile de comprendre comment la composition du sol influence le caractère d’un vin, mais l’expérience montre que ce sol riche en magnésium apporte un certain élément granuleux à la structure et une acidité sapide qui peut occasionnellement arrêter la fermentation plus tôt. La dégradation de ce calcaire par la vie microbienne du sol permet d’obtenir des argiles vraies qui se révèleront très intéressante dans l’expression de la minéralité des vins issus de ce cru.
L’altitude de la colline (350 mètres) associée au climat plus tardif de Hunawihr ainsi que la proximité du Massif Vosgien font du Windsbuhl un terroir tardif. Le débourrement et la floraison se déroulent 15 à 20 jours plus tard que les terroirs les plus précoces d’Alsace. Ce décalage se maintien jusqu’aux vendanges. Ceci explique la qualité aromatique des vins du Clos et leur constant équilibre en acidité, garantie d’un bon vieillissement. Les raisins du Windsbuhl atteignent souvent des niveaux de maturité importants mais cependant ne botrytisent que très rarement, sans doute grâce à cette situation en altitude.
Ce terroir est particulièrement intéressant dans les millésimes chauds, car une pluviométrie plus importante (environ 650mm/an) associée à un sol qui permet une descente profonde des racines assure une plus grande résistance des vignes à la sécheresse.
Observation de terroir au Clos Windsbuhl avec son propriétaire Olivier Humbrecht, le mercredi 12 aout 2020 par Caroline CLAUDE-BRONNER
Nous avons fait le tour complet des parcelles et observé en détail les singularités de ce terroir. Nous nous sommes tout d’abord particulièrement intéressé aux caractéristiques précises des sols. Pour Olivier Humbrecht, lorsqu’on s’intéresse aux sols, il est fondamental d’observer en détail les éléments suivants : leur structure, leur texture, leur âge géologique précis (il existe trois différents Muschelkalk : inférieur, moyen et supérieur), la topographie, le climat, la proximité de la roche mais également la toponymie et la lecture attentive des cartes cadastrales.
Ce qu’il faut retenir :
La lecture des cartes géologiques ne suffit pas. Certes, elles nous donnent des informations précieuses comme l’implantation des failles et le type de roches mais ce n’est pas assez précis, il faut croiser ces informations avec de nombreux facteurs.
Tels que l'étude du cadastre et de la toponymie qui révèle des informations très utiles. Il faut toujours analyser ces points attentivement et s’interroger à ce sujet. Très souvent les noms des secteurs et le découpage des parcelles nous informent des éventuelles caractéristiques précises. Les anciens avaient une très bonne connaissance du terrain, le cadastre et toponymie en sont l’héritage.
Les limites de la zone AOC sont un indicateur très intéressant. Au Windsbuhl, il est clair que les limites de la zone AOC suivent les lignes de failles principales et indiquent des ruptures importantes, mais parfois il existe des petites incohérences. Dans le cas du Windsbuhl, une petite parcelle est exclue de l’AOC et pourtant elle est encore en Muschelkalk mais à proximité immédiate de la faille. Olivier Humbrecht a donc choisi d’y planter des Chardonnay dans les années 1990. Une façon d’optimiser cette parcelle de qualité par un cépage non reconnu pour les vins tranquilles dans l’AOC Alsace. Cette parcelle constitue une des bases de la réputée cuvée de Vin de Pays « Zind » en association avec les Auxerrois plantés également sur la propriété dans la zone cadastrée Erlach en calcaire Muschelkalk érodé pur.
L’observation précise de la topographie, des pentes et des écoulements des eaux amène à de nombreuses corrections et adaptations plus précises. Ainsi, le Domaine Zind-Humbrecht a planté au printemps 2020 une grande parcelle d’Auxerrois dans la partie Gruen jusqu’à présent en prairie. La spécificité du Gruen est de reposer sur du Muschelkalk et d’être ainsi cartographié au niveau géologique mais compte tenu de la topographie particulière et de l’écoulement des eaux, le Gruen est recouvert de plusieurs mètres de grés. Olivier Humbrecht estime qu’il faudra au moins 20 ans aux racines de ses jeunes vignes pour atteindre le Muschelkalk.
D’autre part, en poursuivant l’observation de la topographie, on observe que la pente de la butte centrale du Clos est très raide et qu’elle a été aménagée il y a plusieurs siècles déjà avec un muret. L’idée étant de créer une rupture de pente et de limiter les phénomènes de bombage et de creusement. Évidement ces phénomènes entraînent des modifications de structure et de texture. Le sol du haut des parcelles est à peine épais de quelques centimètres et la roche affleure directement à de multiples endroits. En arrivant en haut des parcelles, on observe une modification conséquente de la structure et de la texture du sol, nous sommes à la limite du Muschelkalk, de l’autre côté de la route c’est le domaine du Grés. La faille vosgienne est là présente sous nos pieds, on peut l’observer puisqu’elle longe le Clos en limite de forêt. Olivier Humbrecht me précise que la faille s’enfonce ici à plus de 90 mètres de profondeur.
Dans tous les cas, Olivier Humbrecht préconise de mener des études approfondies, et de creuser des fosses d’observation mais également de vérifier la présence de sources d’eau pour connaître l’état des réserves souterraines. Au Windsbuhl, des réserves hydriques sont présentes en profondeur. Une source vient récemment d’être captée dans la partie supérieure de la propriété, juste à quelques mètres au-dessus de la faille géologique, il a fallu creuser le Grès des Vosges à 127 m de profondeur. Les caractéristiques spécifiques du microclimat du Windsbuhl sont observées attentivement : l’altitude (plus de 350 mètres d’altitude) et la proximité avec la forêt constituent aujourd’hui des atouts très importants pour réguler les températures estivales et favoriser la maturation lente des raisins. Il est à noter que le Windsbuhl était considéré comme la « Petite Sibérie », il y a encore 100 ans et que ce sont justement ces caractéristiques qui retenu l’attention du vigneron qui cherche à limiter les effets du réchauffement climatique dans ses vignobles.
Puis nous nous sommes intéressés au matériel végétal et aux modes de conduite de la vigne. Un soin tout particulier est apporté à la sélection des cépages implantés sur le Clos Windsbuhl. Le Domaine Zind-Humbrecht pratique la sélection massale, ainsi au moment de replanter une parcelle ou de remplacer un pied de vigne, Olivier Humbrecht soucieux de la qualité et de l'originalité de son vignoble opère une sélection massale. C'est-à-dire qu'au lieu de choisir un pied acheté chez un pépiniériste, il sélectionne ses greffons en coupant un sarment de ses plus beaux pieds de vigne. Cette technique permet de conserver une haute qualité de production, notamment lorsque le vignoble possède de très vieilles vignes de qualité. Ainsi sur la butte principale, le Domaine a consolidé une alternance de Gewurztraminer et de Pinot Gris. Sur la partie la plus haute, le domaine a implanté des Riesling. Sur la partie hors AOC, des Chardonnay et sur les lieux dits Erlach et Gruen des Auxerrois. Le choix des porte greffes a également été réfléchi et modifié. A la reprise du Domaine en 1989, de nombreuses vignes anciennes encore plantées directement par les Meyer ont été conservées. Seules les vignes plantées avec des porte greffes So4 entre 1970 et 1987 au moment où le Clos était loué par un coopérateur ont étés remplacées. Une seule parcelle sur So4 est encore aujourd’hui conservée, elle donne satisfaction.Un soin constant est apporté pour favoriser un biotope équilibré et une bonne vie biologique des sols : création d’une zone humide et d’une mare, la prise en compte d'une bonne liaison entre la forêt, les pâturages et vergers et les vignes, la présence de moutons, le travail de la vigne en biodynamie qui favorise la vie biologique en général et des sols en particulier. Un soin apporté à la conduite de la vigne, comme l’arrêt du rognage de la vigne afin d’éviter de déséquilibrer la plante ce qui aurait des conséquences sur la maturité du raisin. Un des gros avantages du Clos Windsbuhl est évidemment sa situation de monopole, puisque le Domaine Zind-Humbrecht est ici le seul propriétaire et a beaucoup plus de possibilités d’interagir avec l’environnement immédiat que des vignerons qui gèrent des petites parcelles isolées. A noter que deux vignerons sont rattachés exclusivement au Clos Windsbuhl et sont uniquement assistés en période de vendanges. Cette situation permet une bonne observation et un bon suivi du Clos indispensable à la meilleure qualité.
Le Clos est associé à un extraordinaire paysage empreint de sérénité. La beauté du lieu s’entend bien au-delà de la simple beauté paysagère. Il suffit de fréquenter régulièrement le Windsbuhl pour se rendre compte que l’énergie circule en ce lieu qui porte si bien son nom : La colline des Vents.
Les amateurs dégustent-ils également les vins du Windsbuhl, parce qu’à leurs qualités visibles, se rajoute l’invisible du lieu et son énergie ? La question mérite d’être posée …..
Pour ma part, un lien particulier généalogique et intime m’unit à cette colline puisqu’il s’agit du lieu de vie de mon arrière arrière grand-père Chrétien Henri BRONNER (1829-1896) venu de Riquewihr comme vigneron au Windsbuhl en 1860. A son retour de la guerre de Crimée, il a épousé une jeune femme de Hunawihr et s'est installé au Windsbuhl, lieu de naissance de mon arrière grand-père Chrétien Henri BRONNER (1863-1938) qui sera lui aussi vigneron à Hunawihr, où ma famille réside toujours.
Repères bibliographiques :
- Alain Ercker, "Nous et les autres. La toponymie dans un village viticole alsacien" In: Revue des sciences sociales de la France de l'Est, N°24, 1997. Exil, migrations, voyages. pp. 72-78.
- Jean-Jacques Becker "Geschichtliches über Erlach-Windsbühl bei Hunaweier" , Société d'Archéologie de Riquewihr, 1912.
Informations sur l'auteur
fondatrice de Chemins Bio en Alsace , guide conférencière diplômée en Histoire, fille de vignerons alsaciens, passionnée par sa région, vous propose ses services de guidage et d'accompagnement dans la bonne humeur et le respect de l'environnement pour tout public, du junior au senior.
suivez moi sur Facebook