Le Grand Cru Schlossberg est un terroir exceptionnel à tous points de vue. Il célèbre en 2025 ses 50 ans mais son histoire est bien plus ancienne. Revenons ensemble sur les splendides variations de ce grand terroir.

Les colons gallo-romains établis au croisement de deux routes romaines semblent avoir été les premiers à avoir planté des vignes sur les coteaux ensoleillés de la partie avancée de la vallée de la Weiss. Des chefs Francs installent dès l'époque mérovingienne des grands domaines où l'ont cultive la vigne. A partir du VIIIe siècle, de nombreuses donations à des abbayes sont mentionnées et il est très probable que les pentes escarpées soient depuis maintenues par plus de mille mètres de murs en pierres sèches construits entre les VIIIe et XIIe siècles. Des ouvriers hautement qualifiés (peut être originaires de la vallée d'Aoste d'après le vigneron Marcel Blanck) auraient été recrutés par les nombreuses abbayes propriétaires, en particulier, la puissante abbaye de Fulda (Hesse) qui entre en possession de vignes à Kientzheim en 785 d'après l'historien Christian Wilsdorf.

La première mention de Kaysersberg "montagne de l'Empereur" remonte à 1227, lorsque l'empereur du Saint-Empire romain germanique, Frédéric II, petit-fils de Frédéric Barberousse, ordonne l'achat de terres et la construction d'un château afin de contrôler la vallée de la Weiss qui relie la Haute Alsace à la Lorraine en passant par le col du Bonhomme. À part quelques maisons et le couvent bénédictin, au lieu-dit Alspach, l'entrée de la vallée est alors inhabitée. L'empereur y choisit de construire une des forteresses les plus imposantes de sa ligne de défense. Une ville va rapidement s'implanter au pied du "Schlossberg" - la montagne du Château, le long de la "Lang Stross" qui devient une voie de commerce très dynamique. La bourgade de Kaysersberg entame alors une phase d'expansion et d'enrichissement. L'abbaye cistercienne de Pairis y possède une cour (Oberhof) dès le XIVe siècle. et l''évêché de Bâle y perçoit des revenus importants. A partir de 1597, le Wagkeller de Colmar est propriétaire d'une vigne au Kirrenbourg. Cette dernière lui avait été léguée par Nicolas Schultheiss, un de ses membres, conseiller au magistrat de Colmar. Il s'agit de la propriété la plus estimée par les membres du Wagkeller. En effet, cette vigne située sur le ban de Kientzheim, dans un lieu appelé jadis Kœrenberg, Kiremberg ou Kehraburger et aujourd'hui Kirrenbourg dans le Grand Cru Schlossberg a joué un grand rôle dans la société du Wagkeller. Le vin produit sur ce terroir est qualifié dans les papiers de la société de "vin très excellent et ayant incontestablement la préférence sur tous les autres crus de l'Alsace." (plus d'informations : voir mon article de blog ART, VINS et BAINS sauvages en Alsace).

Sébastien Munster dans son célèbre ouvrage la cosmographie universelle parue en 1544 cite l'élaboration en grandes quantité de vins cuits à Kaysersberg, Ammerschwihr et Kientzheim. "A l’entour de Keisersperg qui est à dire mont Cesar [« Caesaris Mons » Mont de l'Empereur], la terre est grandement fertile, & pour ceste cause ont dict que c’est là le milieu d’Alsace, & là se trouuent trois villes fermées de murailles, si prochaines l’une de l’aultre, que d’un coup de canon on peult tirer de l’une sur l’aultre. Ces villes se nomment Keisersperg, Ammerswyer & Koensheim. On faict là cuyre du vin dedans de grandz vaisseaux, avec des charbōs allumes, ou bien on met du moust dedans les vaisseaux, et les enterre on dedās le marc des raisins qu’on oste du presoir, iusques à ce que la force du vin soit amortie, par ainsi il garde sa doulceur tout le long de l’hyuer, et on mene ce vin en plusieurs lieux, et est grandement prise. Les aultres emplissēt des petitz tonneaulx auec des raisins entiers & mettēt par dessus du moust, qui est un peu cuyt sus le feu , lequel tire à soi le goust desdictz raisins & garde aussi sa dulceur tout le loing de l’hyuer. Or cela se faict principalemēt de muscadeaux [muscat]."

Le lieu-dit viticole "Schlossberg" est identifié dès le XIVe siècle dans des documents notariés. Dès la fin du XIXe siècle, les vins du Schlossberg sont vendus en bouteille du Rhin. Au XXe siècle, la reconnaissance du terroir, puis du Grand Cru se fera en plusieurs étapes décisives.

En 1928, les vignerons de Kientzheim et de Kaysersberg déterminent pour le cru Schlossberg des règles de récolte au moyen d’une convention écrite unanimement respectée. Cette somme d’exigences rigoureuses et cette démarche sans précédent a valu au Schlossberg grâce à l'action conjointe de Joseph Schwartz (1906-1982), maire et vigneron à Kientzheim, Théo Faller (1911-1979) conseiller général et propriétaire du Domaine Weinbach ainsi que de Marcel Blanck, vigneron à Kientzheim et président de l'AVA (1967-1975) d’être le premier lieu-dit et le seul à l’époque à bénéficier en 1975 de l’appellation officielle "Alsace Grand Cru".

Un grand Terroir
L'essentiel des parcelles de vignes plantées sur des terrasses retenues par des murs de soutènement sont situées à flanc de coteau, entre 230 et 350 mètres d'altitude, sur des pentes fortes exposées au sud et au sud-est. Le versant de la colline du Bixkoepfel surplombe Kaysersberg et Kientzheim. Quelques parcelles se situent sur un versant donnant vers l'est, le Kirrenburg, au nord du vallon du Streibach. L'aire plantée totale est de 80,28 hectares.

Une géologie exceptionnelle
Les vignes du Schlossberg sont plantées dans des sols composés d'arènes granitiques et de terres sablo-limoneuses peu acides. Les profondeurs de sol sont très faibles -entre 30 et 40 cm- en haut de coteaux et ne dépassent pas les 125 cm en bas de coteaux recouverts d'épais alluvions apportés par la rivière Weiss. Le sous-sol est essentiellement composé de granite migmatitique de Kaysersberg. Ce matériau est constitué d'une roche mère résultant de la cristallisation par métamorphisme de migmatites (mélange de gneiss et de granite) et de granite à biotite de Kaysersberg. L'altération de ces roches est à l'origine de sols tout à la fois sableux, grossiers et argileux riches en éléments minéraux tels que le potassium, le magnésium, le fluor ou le phosphore. Mais ces sols ne retiennent pas bien l'eau et sont également très sensibles à l'érosion.
Un micro-climat favorable à la maturation des raisins.
Abrité par le Massif des Vosges contre les intempéries venant régulièrement de l’Ouest, le Schlossberg s’épanouit dans une zone particulièrement douce avec une moyenne annuelle dépassant 10°C et un régime de pluies réduit à 500mm/an. Le terroir bénéficie également d’un régime des vents favorable à la viticulture. En effet, à la fin du mois d’août, les flux d'air frais du fond de la vallée de Kaysersberg ventilent le vignoble et participent grandement à la maturation lente des baies, et par voie de conséquence, au développement d’arômes d’une grande finesse. Les fortes pentes concourent à une réception optimale du rayonnement solaire.

Les Schlossberg des vins riches d'une grande finesse.
La capacité du Schlossberg à conserver la chaleur et sa richesse minérale, imprègnent la personnalité des vins produits. Le Riesling trouve dans ce terroir les conditions d'une maturité idéale. Quant aux Pinot Gris et Gewurztraminer, les arènes granitiques leur apportent une pureté aromatique et une grande élégance
Le Schlossberg se caractérise par des vins riches d'une grande finesse. La typicité des vins du Schlossberg s’exprime par un caractère aérien, une acidité fine, des arômes floraux d'une grande délicatesse, une structure harmonieuse et racée. Ils atteignent leur plénitude après quelques années, une certaine minéralité ou pierrosité est incontournable, il ne s'agit pas tant de minéralité due au vieillissement naturel, mais bien de l'expression de la fraîcheur du granit .

Une relation intime et équilibrée entre l'homme, le terroir et la plante se construit ici intensément. Compte tenu des conditions climatiques et géologiques spécifiques, le Schlossberg nécessite une culture en terrasses. Les terrasses et murets imposent un travail d'aménagement et d'entretien complémentaire au travail de la vigne. Le respect du travail effectué par les anciennes générations mérite d'être pérennisé : cet engagement était avant-gardiste, particulièrement parce qu’il relevait d’une recherche qualitative.

C’est dans le souci du respect de ce terroir, que le mode de culture choisi par la grande majorité des vignerons est soit biologique et biodynamique soit raisonné. La densité moyenne de plantation est de 5 000 pieds/ha. L'enherbement naturel est de mise, un labour léger avec griffage est pratiqué dans la limite de la configuration très accidentée sur l'ensemble du Grand Cru. La limite de rendement de l'ensemble de l'appellation "Alsace Grand Cru" est fixée à 55 hectolitres par hectare. Les grands crus d'Alsace doivent être obligatoirement vendangés à la main.

Au Schlossberg, les vignerons d’aujourd’hui sont les créateurs d'une œuvre constituée de l'alliance du passé et de leurs engagements actuels au service des meilleurs vins de lieux.
Ensemble, découvrons les histoires et cultures du Vin et de la Vigne en Alsace. Nous prendrons le temps de découvrir les secrets les mieux gardés de terroirs exceptionnels. Ces visites vous sont proposées par une Guide-Conférencière certifiée, historienne de la vigne et du vin, fille de vignerons alsaciens, fière de vous transmettre sa passion et de vous accompagner dans l’univers du vin et de la vigne de sa région.


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Caroline CLAUDE-BRONNER fondatrice de Chemins Bio en Alsace , guide conférencière diplômée en Histoire, fille de vignerons alsaciens, passionnée par sa région, vous propose ses services de guidage et d'accompagnement dans la bonne humeur et le respect de l'environnement pour tout public, du junior au senior.
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Agnès Daval (mercredi, 05 mai 2021 18:47)
Magnifique article très documenté qui m'a permis d'approfondir encore la visite. Bravo !!!
Un site à parcourir pour s'en charger et s'épanouir, comme ses grands crus !